MalgrĂ© nos 25 ans de mariage, ma femme et moi arrivons encore Ă nous engueuler comme deux gamins, alors mĂȘme que nous nous aimons profondĂ©ment. Trop dâattente lâun envers lâautre ? Trop fusionnels ? orgueilleux ? sensibles ? Ă©goĂŻstes ? Certainement un peu de tout cela Ă la fois. Mais quelle joie de nous retrouver ! Nos cĆurs abimĂ©s se rĂ©parent dans le pardon et la confiance renouvelĂ©e, dĂ©cidĂ©e aussi. Chaque retrouvaille est comme une premiĂšre rencontre qui se transforme en une nouvelle danse de couple.
Finalement, ces engueulades nous tiennent dans lâhumilitĂ© et nous Ă©vitent de nous croire aboutis. Oui, la vie de couple est compliquĂ©e. Jâentendais une personne cĂ©lĂšbre dire quâil fallait donner deux chances Ă son couple. Non, il faut lui donner 1.000 chances, 10.000 chances et plus si nĂ©cessaire. Mais surtout trouver la force de recommencer, repartir, pardonner, rĂ©tablir la confiance, se rapprocher⊠et cette force, je ne peux la puiser quâĂ la source de tout amour, en Dieu seul. Je pense que se marier sans Dieu est pure folie car le mariage est inhumain. Non que le mariage soit horrible, mais quâil est tellement grand quâil nâest pas Ă lâĂ©chelle humaine.
Nous, hommes et femmes, blessĂ©s, abimĂ©s par le pĂ©chĂ©, sommes assurĂ©ment du cĂŽtĂ© de la petitesse. ConfrontĂ©s Ă nos implacables misĂšres, limites et fragilitĂ©s, que nous nous efforçons Ă essayer de vaguement cacher, nous imposent lâhumilitĂ© dĂšs lors que lâon se regarde en vĂ©ritĂ© (lâautre nous voit mieux que nous-mĂȘme alors Ă©vitons de se cacher derriĂšre notre petit doigt ou fuir dans notre grotte). Laissons-nous cette chance ! Il nây a rien de plus beau que dâĂȘtre aimĂ© gratuitement, non parce que nous sommes des supers champions de la relation mais que nous sommes simplement nous-mĂȘmes, sans masque ni maquillage, sans posture ni imposture. Nous-mĂȘmes dans toute notre beautĂ© et notre vulnĂ©rabilitĂ©.
Comment intĂ©grer quâil nây a pas de relation authentique sans vulnĂ©rabilitĂ©Â ?
Sommes-nous faits pour aimer ou pour ĂȘtre aimĂ©Â ?
Sâil y a quelque chose que tous les ĂȘtres humains cherchent, sans exception, câest bien lâamour. Chacun cherche le grand amour et ressent le besoin dâĂȘtre aimĂ©. Sans cette attirance amoureuse mutuelle, lâespĂšce humaine aurait disparue depuis longtempsâŠ
ConsidĂ©rer que lâamour consiste dâabord à « ĂȘtre aimé » deviendra rapidement problĂ©matique. En effet dans ce cas nous cherchons probablement une guĂ©rison du cĆur dans la relation amoureuse, sans doute parce que nous avons manquĂ© dâamour ou nos cĆurs ont pu ĂȘtre blessĂ©s.
Voir lâamour seulement comme un besoin personnel peut revenir Ă imposer Ă lâautre de mâaimer et considĂ©rer lâamour comme un dĂ». Or, lâamour ne peut quâĂȘtre un acte libre, un acte volontaire de la part de celui qui pose lâacte. JĂ©sus ne nous a pas dit « trouve quelquâun qui puisse tâaimer » mais « aime ».
Comme le dit si bien Simone Weill, la rĂ©ciprocitĂ© dans lâamitiĂ©, encore plus dans lâamour conjugal, est une condition pour quâil puisse y avoir Ă©changes libres de dons. Lâamour nâest pas un commerce. On peut donc dire que nos cĆurs sont effectivement faits pour « ĂȘtre aimĂ©s », et que nous pourrons le vivre seulement dans une forme de dĂ©centrement en aimant dâabord, et en recevant de lâamour donnĂ© gratuitement. Ce qui suppose avoir acceptĂ© la maniĂšre dont lâautre reçoit le mieux lâamour sans jugement (cf les langages de lâamour).
Comment quitter le « moi dâabord ! » ?
Ătre bien tout seul
Pour bien vivre en couple, je dois ĂȘtre bien tout seul. Autrement dit, je ne dois avoir besoin de personne pour ĂȘtre heureux, sans quoi je ferais porter sur mon conjoint une responsabilitĂ© dĂ©placĂ©e : il ou elle ne peut pas ĂȘtre mon sauveur. Ce dĂ©sir dâĂȘtre aimĂ© pourrait alors devenir une forme de domination, sous forme dâemprise ou de manipulation.
Le couple nâest lĂ pour rĂ©soudre ni une crise dâidentitĂ© ni une crise de confiance en soi. Il se trouve que ce sont les deux grands maux du monde actuel. Alors faudrait-il ne pas se marier ? Au contraire ! Le couple est un lieu de croissance humaine fantastique : lâamour fait grandir. Pour ma part, jâessaie de jongler avec la dimension rĂ©aliste (je nâattends pas la perfection chez lâautre et je suis OK avec mon imperfection) et la dimension idĂ©aliste (le couple est un lieu privilĂ©giĂ© pour toucher du doigt lâamour de Dieu et le mariage est, comme le dit saint Jean-Paul II, en particulier lâunion des cĆurs et des corps ensemble, la plus proche image de lâamour trinitaire. Ce nâest pas rien).
La question peut ĂȘtre formulĂ©e ainsi : « comment ĂȘtre bien tout seul ? »
La force dâaimer radicalement
Câest lĂ que jâaimerais vous accompagner. Le cĂ©libat comme le couple nous confronte dans nos contradictions, nos incohĂ©rences mais nous aspirons Ă vivre la beautĂ© de lâamour et la radicalitĂ©Â du mariage ! Comment imaginer prendre le chemin de cette grande aventure sans prĂ©paration, accompagnement, travail personnel ? Un alpiniste ne se lance pas sans prĂ©paration.
Car finalement, quoi de plus grand cadeau que de se donner totalement et dâaimer lâautre sans mesure ? Nous sommes faits pour la grandeur. Nous sommes faits pour aimer et pour ĂȘtre aimĂ©, dans un Ă©change de dons librement consentis et gratuitement accomplis.
L’auteur de l’article
Bertrand Chevallier-Chantepie
- Auteur de Accomplir sa mission dâhomme .
- DĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral de lâassociation Au cĆur des hommes.
- Coach pour accompagner les chefs dâentreprise